Flouter le visage des policiers : « La police n’est pas une milice, elle doit se donner à voir et être vue »

Pour l’avocat Arié Alimi, l’interdiction désirée par le ministre de l’Intérieur « reviendrait à protéger une forme de criminalité » dans les cas éventuels de violences policières.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré au syndicat Unsa Police vouloir interdire la diffusion d’images non floutées de policiers, dans les médias et les réseaux sociaux. Une mesure qui ne repose « sur aucune base factuelle et juridique » selon Arié Alimi, membre de la Ligue des Droits de l’Homme et avocat notamment de la famille de Cédric Chouviat, du père de Rémi Fraisse, ou encore du « gilet jaune » Jérôme Rodriguez, et interrogé par « l’Obs ».

La diffusion de vidéos de policiers peut-elle les mettre en danger ?

Vouloir interdire la diffusion d’images montrant les visages des policiers, cela ne repose sur aucune base factuelle et juridique. Dire qu’il y aurait des menaces contre des fonctionnaires de police suite à leur image sur des réseaux sociaux, c’est un délire sécuritaire. Il faudrait que le ministre donne des chiffres et des faits, mais je pense que c’est une invention : en une dizaine d’années de lecture d’actualités relatives à la police, je n’ai rien vu de tel.

La police est un service public, qui doit se donner à voir et être vue, ce n’est pas une milice. Sauf bien sûr quand il y a des risques avérés, et c’est déjà le cas pour certaines équipes de police qui ont le droit légitime d’être cagoulées et de ne pas voir leurs identités révélées, par exemple dans la lutte contre le terrorisme.

Quelle serait la solidité juridique d’un texte interdisant la diffusion des visages de policiers ?

Il pourrait être contesté devant le Conseil d’Etat, si c’est un décret, devant le Conseil constitutionnel, si c’est une loi, et devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, je ne vois pas comment un tel texte pourrait tenir. Et si le Conseil constitutionnel le validait pour des raisons politiques, ce serait une source d’énormes frictions entre journalistes et personnes politiques.

Cette annonce n’a pas d’autre sens que la volonté de masquer des fonctionnaires de police qui pourraient éventuellement être impliqués dans des violences policières. Cette interdiction reviendrait à protéger une forme de criminalité, elle ne sert qu’à complaire aux syndicats de police.

Le souhait exprimé par le ministre s’inscrit dans une stratégie de Gérald Darmanin qu’on commence à connaître, comme lorsqu’il a dit « je m’étouffe » en écho implicite à la mort de Cédric Chouviat, ou quand il a déclaré à propos des Tchétchènes à Dijon : « C’est la police qui fait la loi. » C’est une véritable communication d’extrême droite, je ne pense pas que ce soit digne d’un exécutif, qui devrait plutôt apaiser les relations entre la police et la population.

Quels problèmes poserait aux médias une telle mesure d’interdiction ?

Comment pourrait-elle être mise en pratique, pour les journalistes vidéo, les chaînes d’info, par exemple ? Il deviendrait impossible de filmer en direct une manifestation, une interpellation, et ce serait même très difficile pour de nombreuses images tant il peut y avoir des policiers en faction n’importe où, et dont il serait impossible de ne pas capter le visage. En pratique, ça reviendrait à sanctionner pénalement des journalistes faisant leur travail et à restreindre la liberté d’expression.

Source : https://www.nouvelobs.com/politique/20200911.OBS33196/flouter-le-visage-des-policiers-la-police-n-est-pas-une-milice-elle-doit-se-donner-a-voir-et-etre-vue.html.

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